Ostéonécrose des maxillaires chez des patients traités par bisphosphonates

le traitement de la nécrose aseptique de la hanche10, du syndrome Sapho4, etc. Ils contribuent à traiter les symptômes liés à ces différentes affections et ils sont souvent prescrits au long cours, surtout en carcinologie. L’ostéonécrose des maxillaires, secondaire à la prise de bisphosphonates, est une complication décrite récemment dans la littérature11-17.

En 12 mois, 9 cas d’ostéonécrose ont été découverts dans la division de stomatologie, de chirurgie orale et radiologie dento-maxillo-faciale de la Faculté de Médecine de Genève.

Observations

Le premier patient (cas n°1) avait une ostéonécrose maxillaire, secondaire à la prise de bisphosphonates.

Venu consulter pour une infection d’origine dentaire, le tableau clinique s’est avéré atypique et l’os alvéolaire périradiculaire semblait nécrosé. Après extraction des 2 dents causales qui étaient les seules dents maxillaires restantes, l’évolution n’a pas été favorable et on a observé une exposition osseuse s’étendant  progressivement. Elle a nécessité la réalisation d’une
maxillectomie subtotale; l’examen histopathologique a confirmé le diagnostic d’ostéonécrose. En 12 mois, 8 autres cas ont été observés.

Ces 9 patients étaient 3 hommes et 6 femmes dont l’âge était compris entre 45 et 85 ans (âge moyen 73 ans) (tableau 1). Les bisphosphonates ont été prescrits pour le traitement des affections suivantes: myélome multiple, cancer du sein, adénocarcinome prostatique, ostéoporose. Dans ces 9 cas, on a observé 12 foyers d’ostéonécrose dont les localisations étaient les suivantes : 7 atteintes mandibulaires (dont une double localisation), 3 maxillaires et 1 bimaxillaire.

Cinq foyers d’ostéonécrose sont apparus après une extraction dentaire, 1 après ablation d’implants dentaires et 6 spontanément.

Cliniquement, l’atteinte osseuse ressemblait plus à une ostéoradionécrose qu’à une ostéomyélite: exposition osseuse, spontanée ou provoquée, le plus souvent après extraction dentaire, sans aucune tendance à guérir spontanément car le séquestre ne se détache pas et l’atteinte osseuse semble s’étendre (figure 1).

Le bilan radiologique comporte systématiquement un orthopantomogramme (figure 2), parfois un examen tomodensitométrique (figure 3), une scintigraphie osseuse (figure 4).

Dans chaque cas, l’examen histopathologique a confirmé le diagnostic de nécrose osseuse; aucune cellule tumorale n’a été observée (figure 5) lorsque le traitement avait été prescrit pour une tumeur maligne.

Dans tous les cas, on a réalisé une séquestrectomie après une antibiothérapie (amoxicilline 750 mg 3xj-1 et métronidazole 250 mg 3xj-1) de 7 à 10 jours en moyenne, temps nécessaire pour obtenir une cicatrisation muqueuse suffisante.

Commentaires

 Figure 1 Ostéonécrose dans la région maxillaire antérieure (cas n° 1) : exposition
osseuse qui s’est étendue progressivement après l’extraction de deux dents restantes
et ayant nécessité la réalisation d’une maxillectomie subtotale.



 Figure 2 Orthopantomogramme (cas n° 2) : perte spontanée de la deuxième molaire
inférieure avec exposition progressive de la table interne de la mandibule.

 Figure 3 Examen tomodensitométrique (cas n° 3) : lyse osseuse dans la région
de la première molaire supérieure droite 6 mois après l’extraction, accompagné
d’une sinusite chronique homolatérale.

Les bisphosphonates, molécules utilisées depuis les années 1970, constituent un progrès thérapeutique important pour le traitement de la maladie de Paget18, de l’ostéoporose6,7 et des tumeurs osseuses ostéolytiques 8,9. Ils réduisent de façon importante (de 20 à 60 % selon les auteurs) la fréquence des manifestations liées à l’atteinte osseuse, en diminuant les douleurs, les fractures pathologiques, les compressions radiculaires ou médullaires et les épisodes d’hypercalcémie 8. Leurs indications sont de plus en plus vastes et on estime que 2,5 millions de patients ont été traités par pamidronate et zolédronate depuis leur mise sur le marché19.

La Food and Drug Administration (FDA) a donné l’autorisation de mise sur le marché (AMM) au pamidronate en 1994, pour le zolédronate en 2001; en France, les AMM ont été obtenues quelques mois plus tard.

Les maxillaires semblent les seules structures osseuses touchées; ceci pourrait s’expliquer par une continuité de la muqueuse de recouvrement qui mettrait en relation l’os avec le milieu septique de la cavité buccale.

Le développement de l’ostéonécrose survenait après un acte chirurgical, le plus souvent une extraction dentaire, ou de façon apparemment spontanée. Le traitement proposé dépend de la localisation des lésions et de leur dimension. Aucun cas n’a été traité par oxygénothérapie hyperbare dont l’efficacité semble aléatoire14,16.

Les limites du séquestre sont difficiles à évaluer car l’os “sain” périphérique apparaît très remanié et peu vascularisé; si la séquestrectomie est insuffisante, l’exposition osseuse persiste ou récidive. Sauf contre-indications d’ordre général, il n’y a aucune raison de laisser évoluer un foyer d’ostéonécrose.